Pour les Sénégalais, à
lexception de la mince couche dentre eux qui a profité des pratiques du
régime pour senrichir immensément et sans cause, lélection du 25 Février
devait permettre de restaurer lespoir de renouveau national et
démocratique que Mars 2000 avait largement suscité dans le pays. Mais pour le candidat
Abdoulaye Wade, cette échéance électorale ne devait être quun moyen de
faire passer et de légitimer ce qui avait été son souci dès les premiers jours de son
accession à la magistrature suprême : pérenniser coûte que coûte son pouvoir
alors que celui-ci, au fil des ans, se traduisait par des actes et des pratiques qui
suscitaient de plus en plus lindignation légitime des populations. A la veille de
lélection, cette indignation en était à un point tel que non seulement la
défaite du régime libéral ne faisait plus lombre daucun doute, mais aussi
et surtout, elle avait amené Maître Abdoulaye Wade à sinquiéter sérieusement du
sort que ses successeurs pourraient réserver à lui et à sa famille mise en cause dans
toutes sortes de scandales financiers. De ce point de vue, gagner représentait donc pour
lui une question de vie ou de mort, et il lui fallait le faire dans des conditions qui lui
permettent de saménager un « après Wade » susceptible de le
rassurer sur son sort et sur celui de sa famille.
Tel était lenjeu de
lélection présidentielle pour le candidat. De ce point de vue Moustapha Niasse, le
candidat de la Coalition Alternative 2007, ne pouvait que lui apparaître comme
lhomme à abattre.
Intègre et propre, dune
crédibilité nationale et internationale incontestée, riche dune solide
expérience politique accumulée à la faveur de plusieurs décennies de militantisme et
dimplication active aux plus hautes sphères de la gestion de lEtat, ce qui ne
la pas empêché de rester un homme du peuple, patriote peu enclin à transiger sur
les intérêts du pays, entouré, qui plus est, de personnalités politiques et syndicales
qui, comme lui, ont contribué à écrire les plus belles pages de lhistoire
politique du Sénégal moderne, porteur enfin dun programme et de solutions dont la
pertinence lui ont valu, tout au long de la campagne, ladhésion de centaines de
milliers de compatriotes, notre candidat apparaissait nettement aux yeux de larges franges
de lopinion publique nationale et internationale comme lincarnation la plus
crédible dune véritable alternative de redressement national. Voilà pourquoi dès
la campagne déjà il a été férocement combattu comme tel, avec la complicité de
certains médias, mais aussi pourquoi à lissue du scrutin, il fallait lui accorder
un score susceptible daccréditer la thèse quil ne représente rien
électoralement et quil est disqualifié, aujourdhui comme demain, à
prétendre diriger le pays.
Cest à la lumière de cette
analyse que la Coalition Alternative 2007 :
· remercie les centaines de milliers de compatriotes qui ont
fait confiance au candidat Moustapha Niasse
· félicite Moustapha Niasse pour lexcellence de la
campagne électorale quil a menée en son nom, lui renouvelle sa confiance et
lencourage à poursuivre aux premières loges son combat pour sauver le Sénégal
· rejette sans équivoque les résultats proclamés, que ce soit
ceux que sest frauduleusement et arbitrairement attribués le vainqueur
autoproclamé ou ceux des autres candidats à commencer par le nôtre.
Notre rejet des résultats proclamés na rien à
voir avec une attitude de mauvais perdants. Il se fonde sur des faits tangibles et
objectifs sur lesquels nous projetons de revenir de manière plus circonstanciée dans un
Mémorandum qui sera conçu et diffusé à cet effet au sein de lopinion nationale
et internationale. Nous nous contenterons donc ici de quelques indications sur des actes
de fraude avérés et sur le mécanisme qui, avant et pendant le déroulement du scrutin,
les a rendus possibles.
Les mécanismes de la fraude avant et pendant le
scrutin
Le régime précédent avait été finalement battu
dès quil avait accepté daller aux élections avec un Code Electoral
consensuel, un fichier électoral assaini et une structure dorganisation, en
loccurrence lONEL qui, même si elle nétait pas la CENI que
lopposition avait souhaitée de tous ses vux, nen garantissant pas moins
une certaine fiabilité aux opérations électorales, tout cela sur la base de
concertations permanentes et daccord entre les différents partenaires. Dès son
accession au pouvoir grâce à un tel dispositif électoral, Abdoulaye Wade, conscient que
celui-ci ne pourrait lui permettre dassurer la durabilité de son régime,
sest méthodiquement et systématiquement attelé au démantèlement dun tel
dispositif de fiabilisation des procédures électorales et de sécurisation de
lexpression du suffrage des citoyens, notamment par :
§ le renforcement des mécanismes et des pratiques du
Parti-Etat, de manière à pouvoir utiliser pleinement et librement les ressources et les
moyens publics pour la réalisation de ses objectifs et de ses ambitions politiques
personnels ;
§ la remise en cause de certaines «
incompatibilités » qui servaient à séparer les fonctions administratives et les
fonctions politiques, de manière à permettre aux cadres de son parti nommés aux
fonctions de direction des sociétés publiques et parapubliques dutiliser les
ressources et les possibilités des dites sociétés pour soctroyer une base
politique ;
§ la corruption des secteurs de ladministration
(gouverneurs, préfets, sous-préfets, des éléments de la magistrature, présidents de
collectivités locales, etc.,) mais aussi dautres secteurs influents de la société
(certaines notabilités coutumières et religieuses), sur lesquels le Président de la
République voulait, le moment venu, pouvoir compter pour gagner les élections ;
§ le formatage du Code Electoral et la remise en cause
systématique, unilatérale et opaque de ses dispositions qui étaient susceptibles
dempêcher un hold-up électoral à la dimension de celui qui vient de se
produire ;
§ lopacité la plus totale et les irrégularités
multiples qui ont caractérisé létablissement
du fichier électoral dont laudit na été accepté que tardivement par le
pouvoir assuré que lessentiel pour le rendre propice à toutes les fraudes était
déjà fait depuis longtemps ;
§ lappauvrissement délibéré des couches
populaires, celles des campagnes notamment, pour les rendre plus vulnérables devant
lachat des consciences qui a été utilisé à une échelle sans précédent durant
cette élection ;
§ le vote
des militaires dans des conditions qui ne pouvaient que rendre douteuse la sincérité du
scrutin.
Les effets dun tel système ont été renforcés,
lors de ces élections par le recours à des méthodes de fraudes plus évidentes qui
nont pas échappé aux observateurs avertis. Ce sont, entre autres :
§ la modification permanente du fichier électoral ;
§ les inscriptions sélectives sur les listes
électorales, en marginalisant le monde rural au profit de Dakar ;
§ limplantation sélective des bureaux de vote en
fonction des convenances politiques du pouvoir ;
§ la distribution sélective des cartes délecteurs
et la rétention de plusieurs centaines de milliers dautres, tout cela ayant
empêché plus dun million de Sénégalais dexercer le droit de vote qui leur
est garanti en tant que citoyens;
§ inscriptions et votes multiples rendus possibles par le
rejet par le pouvoir, au dernier moment, de lusage de la biométrie et
linexistence des photos sur les listes démargement ;
§ des cartes délecteurs sur lesquelles ne figure
pas le cas échéant, la mention « a voté » ;
§ la non publication de la liste des électeurs bureau de
vote par bureau de vote ;
§ le calibrage de la taille des bureaux de vote,
lécart pouvant dans un même centre, aller de plusieurs centaines à quelques
dizaines, pour moduler le rythme des opérations en fonction du profil politique de
lélectorat local ;
§ le transfert des électeurs dun bureau à un
autre.
Expérimenté lors de trois premières consultations
organisées par le régime (référendum constitutionnel, élections législatives,
élections locales) et perfectionné au fur et à mesure, ce dispositif électoral de
fraude est arrivé tout à fait rodé à lélection de février 2007, fonctionnait
avec une efficacité telle que la plupart de nos compatriotes ny ont vu, pour ainsi
dire, que du « feu ».Voilà pourquoi notre contestation des résultats
proclamés vise, au-delà de ces résultats, le système électoral lui-même et les
différentes procédures mises en uvre en son sein.
Le système électoral en vigueur, encore une fois,
est fait pour produire la fraude tout en la masquant derrière le rideau de fumée de sa
modernisation et de son perfectionnement. Tant quil sera maintenu, il
ny aura pas délections libres et transparentes au Sénégal. Forte de cette
conviction, la Coalition Alternative 2007 entend assurer une place toute particulière à
un tel système dans sa lutte pour des consultations électorales susceptibles de
refléter fidèlement la volonté des citoyens. La Coalition Alternative 2007
appelle par conséquent tous les Sénégalais réellement soucieux de mettre fin au
régime de Wade, à se mobiliser effectivement et activement pour la révision
consensuelle de ce système électoral, condition sine qua non pour la tenue
délections réellement aptes à refléter fidèlement la volonté des citoyens.
En
conclusion, quelque désolante quelle soit, la victoire autoproclamée de
Maître Abdoulaye Wade, si elle lui fait « gagner » les élections dans les
conditions que nous venons de souligner, n a pas, tant sen faut, fait basculer
le cur des Sénégalais en sa faveur. Elle naura pas fait disparaître comme
par enchantement les problèmes que la politique libérale à crées à tous les niveaux
de la société. Cest pourquoi, loin de la pousser à baisser les bras, cette « victoire » ne
fait renforcer au contraire la volonté de la Coalition de poursuivre et
dintensifier la lutte pour tirer le pays des griffes du régime actuel. Car comme le
dit ladage wolof, « une chose est de voler un tam- tam, une autre est de
savoir où le battre ».
Dakar, le 2 mars 2007